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L'adaptation de dose
Les administrations à haute dose et les expositions prolongées au 5-Fluorouracile sont associées à une cytotoxicité plus importante et donc à une toxicité systémique qui varie en fonction du mode d'administration.
Face à l’importante variabilité pharmacocinétique du 5-FU, plusieurs auteurs ont recherché un lien entre le niveau d’exposition individuel et la toxicité. Les résultats doivent être interprétés en fonction du protocole d’administration puisque la concentration attendue à un temps donné est très différente selon les cas.
Des études pharmacologiques, menées depuis des années par de nombreux auteurs dans différentes localisations et notamment l’équipe du Pr Erick Gamelin, ont clairement mis en évidence une variabilité très importante du métabolisme du 5-FU et des concentrations plasmatiques observées chez les patients.
Les facteurs impliqués sont multiples : durée de la perfusion, âge, sexe, médicaments associés, présence ou non d’un déficit enzymatique de la DPD et importance de celui-ci (2, 3, 4, 5, 6, 7, 8).
Dans une étude randomisée publiée en 2008 dans la revue internationale Journal of Clinical Oncology, 208 patients atteints d'un cancer colorectal métastatique ont été répartis de façon aléatoire dans deux bras traités par une association 5-FU et acide folinique et administrée en perfusion de 8h hebdomadaire. Le bras A où les patients ont reçu une dose standard de 5-FU (mg/m²) et le bras B dans lequel une adaptation des doses par suivi pharmacocinétique a été réalisée à chaque cure. Les doses moyennes de 5-FU administrées étaient de 1500 mg/m²/semaine vs 1790 ± 386 mg/m²/semaine (range 900 à 3300 mg/m²/semaine), ce qui indique que le concept d’adaptation de posologie conduit le plus souvent à une intensification thérapeutique par rapport au traitement standard.
Ainsi, pour être exposés aux mêmes concentrations plasmatiques, certains patients ont du recevoir une plus forte dose (jusqu’à 3000 mg/m²/semaine) alors que d’autres avaient besoin d’en recevoir moins (900 mg/m²/semaine).
![]() Les résultats montrent également une différence significative (p=0.0004) en termes de réponse objective entre les deux bras, celle-ci concernant 46.1% des patients dans le bras non adapté versus 58.6% dans le bras adapté. De même, les patients bénéficiant d'une intensification thérapeutique ont présenté des taux de survie supérieurs à un an (48.5 versus 67.5%) et à deux ans (12.6 versus 27.5%).
![]() La tolérance était aussi meilleure dans le bras avec suivi thérapeutique (6% versus 22%de toxicité grade III-IV).
![]() Aujourd’hui, les pratiques tendent à associer suivi thérapeutique pharmacologique et dépistage préalable du déficit en DPD (10, 11, 12).
Selon cette approche, le dépistage préalable du déficit en DPD permet d’éviter les toxicités sévères par une réduction de la posologie initiale, le suivi thérapeutique au décours permettant de réajuster la posologie à la hausse en cas d’exposition insuffisante.
Depuis d’autres études, présentées dans des congrès internationaux (ASCO GI 2008, 2009, 2010), ont démontré l’intérêt de cette adaptation individuelle des doses du 5-FU lorsqu’il est associé à d’autres anticancéreux tels que l’oxaliplatine et l’irinotécan, associés ou non aux thérapies ciblées.
Ces différentes études ont permis de déterminer les cibles thérapeutiques qui dépendent de façon majeure du schéma thérapeutique et les abaques publiés en 2008 ne sont pas extrapolables aux protocoles sur 4h, 46h ou 96h. D’autres abaques adaptés pour chacun des protocoles ont été élaborés.
Ces différents abaques sont actuellement validés sur plus de 90.000 cures de 5-FU associé ou non à d’autres anticancéreux. Ils ont permis l’élaboration de la solution 5-FU ODPM Protocol™.
Cette personnalisation du traitement est facile à effectuer en pratique courante puisqu’elle ne nécessite qu’un seul prélèvement pendant la durée de la perfusion.
Pour en savoir plus :
Références :
1 - Fluorouracil in colorectal cancer a tale of two drugs: implications for biochemical modulation. Sobrero AF, Aschele C, Bertino JR. J Clin Oncol. 15(1), 368-381 (1997). Trump DL, Egorin MJ, Forrest A et al. J Clin Oncol. 9(11), 2027-2035 (1991).
Milano G, Roman P, Khater R et al. Int J Cancer. 41(4), 537-541 (1988). Yoshida T, Araki E, Iigo M et al. Cancer Chemother Pharmacol. 26(5), 352-354 (1990). Van Groeningen CJ, Pinedo HM, Heddes J et al. Cancer Res. 48(23), 6956-6961 (1988). Ychou M, Fabbro-Peray P, Perney P et al. J Clin Oncol. 21(3), 233-236 (1998). Gamelin E, Boisdron-Celle M, Delva R et al. J Clin Oncol. 16(4), 1470-1478 (1998). Ychou M, Duffour J, Kramar A et al. Cancer Chemother Pharmacol. 52(4), 282-290 (2003). Gamelin E, Delva R, Jacob J et al. J Clin Oncol. 26(13), 2099-2105 (2008). Capitain O, Boisdron-Celle M, Poirier AL et al. Pharmacogenomics 8(4), 256-267 (2008). Rouits E, Boisdron-Celle M, Dumont A et al. Clin Cancer Res. 10(15), 5151-5159 (2004). Boisdron-Celle M, Remaud G, Traore S et al. Cancer Lett. 249(2), 271-282 (2007). |
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